Enorme la conférence de presse de la petite Alizée
Alizé Cornet, c'est un bonheur. Quelques heures après sa défaite si cruelle avec deux balles de match contre Dinara Safina, elle arrive en conférence de presse. Après une telle désillusion, la salle de presse se transforme souvent en veillée funèbre ! Mais Alizé n'est pas ordinaire. Elle réussit à déclencher l'hilarité dans la salle par sa spontanéité et sa générosité. Elle rend plus palpable une telle déception pour le commun des mortels : «A 5-2 au troisième set, j'ai commencé à visualiser des images de victoire. C'est humain. Je me disais : Qu'est-ce que cela va me faire de gagner sur la Rod Laver Arena ? A 5-4 et 40-15, je me dis presque : Qu'est-ce que je vais faire quand je vais gagner ? Je me dis que cela va être trop fort et là, l'émotion monte. C'est ce qui fait le plus mal de penser à la joie que j'aurais pu éprouver si j'avais pu gagner ce match. A la place, j'ai une cuisante désillusion. » Elle explique l'inexplicable : « J'ai tout donné. Tout n'était pas assez.» Elle ne se cache pas derrière de faux-semblants : « A froid, j'en tirerais certainement quelque chose. Maintenant, je n'en tire strictement rien.»
A tout juste 19 ans, sa lucidité et son intelligence ne peuvent qu'inspirer le respect : «C'est cruel, mais le tennis est un sport de fou qui est toujours juste.» Bien sûr, elle a déversé toutes les larmes de son corps après le match. Bien sûr, elle choisit d'en rire pour ne pas en pleurer. Mais Alizé n'est pas ordinaire. Une heure après sa défaite, elle part jouer un double mixte avec Marcelo Melo sur le court n°6. N'importe quel joueur aurait couru à l'hôtel. Mais Alizé n'est pas ordinaire. Elle s'accroche et gagne le mixte au super tie-break contre Flavia Pennetta et Dusan Vemic. Et ce n'est pas si anodin. Comme toutes les bonnes histoires drôles, elles possèdent souvent un sens plus profond : « Cette victoire en mixte m'apporte plus de problèmes qu'autre chose. J'avais prévu dès ma défaite en simple de partir voir mon copain aux Etats-Unis et je ne sais pas pour quelle raison j'ai gagné en mixte ! C'est vraiment n'importe quoi. Une chose est sûre, c'est qu'on ne rejoue pas demain (lundi). Cela met mon plan à l'eau. C'est le dilemme. J'adore mon partenaire, je ne peux pas le laisser tomber et d'un autre côté, j'ai envie de gagner ce tournoi en mixte. On joue de mieux en mieux et cela me fait peur parce que je me dis qu'on peut encore être là samedi en finale. Mais c'est aussi ça qui fait ma force. Même pour un mixte que je dois perdre, je n'y arrive pas (sourires). Je suis toujours là, je me bats et j'essaie de gagner. Dans ma tête, je me disais : Constantin ou Marcelo ? Ce n'est ni Constantin (son petit ami autrichien, étudiant aux Etats-Unis) ni Marcelo (son partenaire de double), c'est juste la victoire qui prend le pas sur tout. C'est peut-être pour cela que je vais devenir une grande championne.» C'est mieux qu'une fable de La Fontaine avec sa morale à la fin !
«Tout n'était pas assez »
Un conseil pour ceux qui voudraient la consoler... Ne lui dites pas que ce n'est pas grave ! Du moins dans la semaine qui vient. Sa maman a essayé et le résultat déclenche une nouvelle salve de rires : «Ma maman est désespérément positive. Elle me gave (rires). Rien n'est grave pour elle. Elle me dit : c'est pas grave, tu as fait un bon match ! Mais je m'en fous, j'ai perdu. Elle est positive tout le temps. Parfois, on n'a pas envie d'entendre cela après une telle défaite. On a envie de quelqu'un qui compatit comme Pierre (Bouteyre, son entraîneur). Il a failli se pendre tout à l'heure avec son badge (rires). Mais ma mère est là et elle est contente. J'ai fait un bon match et elle sait que je suis sur la bonne voie, que j'ai fait du spectacle, qu'elle a apprécié et que les gens ont apprécié. Elle est forcément déçue pour moi, mais elle sait que je vais rebondir. Elle est positive. C'est un exemple parce qu'elle pourrait être aussi très déçue. Elle est contente que j'ai gagné en mixte et elle veut que je gagne le tournoi (rires). C'est dur, je n'ai pas envie de la décevoir.» Cela s'appelle dédramatiser une situation qui lui paraît aujourd'hui insupportable.
Quand elle analyse son match, les rires se dissipent et les oreilles s'ouvrent : «C'est une défaite un peu creuse. J'ai tout donné et j'ai perdu. J'avais beau m'asseoir sur mes jambes et être présente, son revers est monstrueux. C'est long et rapide et le Rod Laver est plus rapide que les autres courts. Quand elle est dans une bonne dynamique, on laisse passer l'orage, on essaie d'être le plus agressif possible. Effectivement, l'orage est passé. Elle a commis davantage de fautes au deuxième set. Elle a failli faire assez de fautes au troisième set, mais elle a vraiment redressé la barre quand il fallait.» Si Alizé était dans une salle de spectacle, on lui aurait réservé une standing ovation. Mais on lui dit simplement merci et à bientôt. Une standing ovation l'attend très prochainement sur le court.