Paroles d'ex - Jérémy Mathieu : « Je ne voulais pas aller au Barça »
L'ancien défenseur de Sochaux et de Toulouse, Jérémy Mathieu, avoue avoir beaucoup hésité avant de signer au Barça en 2014, avec qui il allait remporter la C1 un an plus tard.
« Quel est le meilleur joueur avec lequel vous avez évolué ?
Évidemment, j'ai eu la chance de jouer avec (Lionel) Messi... Mais je pourrais aussi citer (David) Silva et (Juan) Mata à Valence, ou Xavi. Lui, il m'a impressionné par sa facilité technique sur le terrain et sa simplicité en dehors : c'est un vrai bon mec.
EN BREF
37 ans
Ancien défenseur
5 sélections, 0 but Parcours : Sochaux (2002-2005) ; Toulouse (2005-2009) ; Valence CF/ESP (2009-2014) ; FC Barcelone/ESP (2014-2017) ; Sporting Portugal/POR (2017-2020). Palmarès : Ligue des champions (2015), Supercoupe d'Europe (2015), Coupe du monde des clubs (2015), champion d'Espagne (2015, 2016), Coupe du Roi (2015 à 2017), Supercoupe d'Espagne (2016), Coupe de la Ligue (2004), Coupe de la Ligue portugaise (2018, 2019), Coupe du Portugal (2019).
L'adversaire le plus méchant que vous avez affronté ?
Diego Costa ! Il te met des petits coups de « pute » pour te faire sortir de ton match. Il marche sur ton pied, il s'excuse et recommence juste après. Tu as beau le savoir, ça finit par t'énerver, tu lui réponds et tu prends un carton.
« Quand j'avais 16 ans, l'AC Milan me voulait. Et il m'a convaincu de ne pas y aller, en me disant : "Si tu vas là-bas, tu es mort... Tu n'es pas assez fort mentalement pour le moment." Il avait raison »
Jérémy Mathieu à propos de Jean Fernandez
L'entraîneur que vous redoutiez le plus ?
Bertrand Reuzeau, que j'ai eu en jeunes à Sochaux. Un jour, j'avais 13 ans et demi, il m'a hurlé dessus pendant un tennis-ballon, parce que je n'étais pas assez concentré. J'ai compris brutalement qu'on n'était pas là pour rigoler, alors que moi je voulais juste prendre du plaisir en jouant...
L'entraîneur qui a eu le plus d'influence sur votre carrière ?
Peut-être Jean Fernandez, toujours à Sochaux. Quand j'avais 16 ans, l'AC Milan me voulait. Et il m'a convaincu de ne pas y aller, en me disant : "Si tu vas là-bas, tu es mort... Tu n'es pas assez fort mentalement pour le moment." Il avait raison.
Le moment où vous vous êtes senti le plus fort ?
À la fin de mon passage à Valence (dont il est parti en 2014), puis quand j'évoluais au Sporting Portugal (2017-2020). Là-bas, j'étais le patron, beaucoup de joueurs me respectaient. Je sortais parfois de ma nature un peu timide pour prendre la parole dans le vestiaire. Je suis fier d'avoir terminé ma carrière là-bas, en aidant à remporter des trophées (deux Coupes de la Ligue et une Coupe du Portugal).
Le moment où vous vous êtes senti le plus bête ?
Un c.s.c. que j'ai inscrit avec le Barça, à Villarreal (2-2, le 20 mars 2016). Sur un corner, je ne vois pas arriver la balle, qui rebondit sur ma poitrine et va dans notre but... Après, tous les journalistes espagnols m'ont fracassé, comme si je l'avais fait exprès.
« Patrick Guillou me met un gros coup de pied au niveau de l'épaule, genre Karaté Kid. Et là il me dit : ''Bienvenue chez les pros'' »
Au sujet de son premier entraînement avec Sochaux
Celui où vous vous êtes senti le plus seul ?
Le jour de mon tout premier entraînement en pro avec Sochaux, je joue ailier lors d'une opposition. Je dribble un ancien, quand Patrick Guillou me met un gros coup de pied au niveau de l'épaule, genre Karaté Kid. Et là il me dit : "Bienvenue chez les pros." Je n'ai rien répondu et j'ai longtemps gardé une grosse cicatrice sur l'épaule...
La plus grosse bagarre à laquelle vous avez assisté ?
C'était un jour d'entraînement à Toulouse. Bryan Bergougnoux avait mis de la musique dans le vestiaire et Albin Ebondo trouvait que c'était trop fort. Ils se sont embrouillés, Achille Emana s'en est mêlé et il a fallu tous les séparer. Ça part souvent d'un détail ce genre d'embrouilles
Et la plus belle fête ?
Celle qui a suivi la victoire du Barça en finale de C1, à Berlin (face à la Juventus 3-1, le 6 juin 2015). On s'est retrouvés entre joueurs, dans le salon d'un hôtel avec nos familles. On se prenait en photo à tour de rôle avec la coupe. Il y avait un peu d'alcool, pas de musique... C'était simple.
La consigne d'entraîneur que vous n'avez jamais comprise ?
Avec Miroslav Dukic, à Valence (en 2013), on ne comprenait pas comment il voulait nous faire jouer. Dans un espagnol approximatif, il nous donnait des consignes vagues, du genre "si en face ils jouent haut, jouez la profondeur". C'était pas fou, on va dire.
L'anecdote que vous n'avez jamais osé raconter ?
Je ne voulais pas aller au Barça. Quand le club m'a sollicité (en 2014), j'étais capitaine à Valence, j'appréciais ma vie là-bas et je me demandais : est-ce que je vais cirer le banc à Barcelone ? Quand j'ai reçu le contrat que me proposait Barcelone, j'ai rédigé un nouveau contrat, sur lequel figurait un salaire d'un niveau entre celui que je touchais à ce moment-là et celui que me proposait le Barça. J'ai montré ce faux contrat au directeur sportif de Valence, (Francisco) Rufete, en lui disant : "Si vous me donnez ça, je reste." Il m'a répondu : "Ça ne devrait pas poser de problème." On a appelé ensemble le président (Amadeo Salvo), qui a refusé. Rufete n'en revenait pas... J'ai déchiré le papier et je leur ai dit : "Alors je m'en vais." J'ai compris qu'ils ne comptaient pas sur moi. »
Sa vie d'ex
La saison dernière, alors qu'il était en fin de contrat au Sporting Portugal, Jérémy Mathieu songeait doucement à raccrocher les crampons, à 36 ans. « Je m'imaginais profiter du dernier match à domicile de la saison pour fêter ça, histoire de remercier le public et de partager ce moment avec ma famille en tribune. »
Mais ce scénario rêvé n'a pas eu lieu, en raison des huis clos imposés par la pandémie de Covid-19 et à cause d'une vilaine blessure contractée fin juin 2020, avant la reprise du Championnat portugais. « À l'entraînement, en défendant sur un jeune attaquant, je me suis fait une distension du ligament interne du genou gauche... J'en avais pour trois mois de rééducation et je n'ai pas eu le mental de repartir. » Depuis cet épisode, le défenseur né à Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône) a déménagé avec sa femme et ses deux fils à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).
Aujourd'hui, il s'interroge encore sur sa reconversion : « Je voudrais entraîner des enfants ou des ados qui ont envie de s'amuser avec le ballon, de rire. » À l'écouter, il ne replongera jamais dans le foot professionnel (« C'est presque sûr à 100 % »), un univers au sein duquel ce garçon réservé ne s'est pas spécialement épanoui, malgré la réussite sportive de sa carrière, ponctuée par un palmarès conséquent.